Après une accélération en 2022, la hausse des prix des biens et des services est toujours à l’ordre du jour en France, avec un taux de progression de 6,9 % en avril sur un an selon Eurostat. Cette situation économique particulière a bel et bien été remarquée par une majorité de consommateurs hexagonaux, mais comment agit-elle sur leurs habitudes d’achat ? Tel est le sujet du deuxième volet de notre étude qui traite des conséquences de l’inflation.
Dans cet article
- 82 % des consommateurs interrogés ont modifié leurs habitudes d’achat en raison de la situation économique actuelle
- Une majorité de particuliers se sont lancés dans une chasse aux bonnes affaires
- 52 % des consommateurs sondés ont changé leurs méthodes de paiement
- 90 % des sondés expriment une inquiétude face à une éventuelle récession économique
- Conséquences de l’inflation : que retirer des changements des habitudes d’achat des consommateurs ?
Paniers anti-inflation proposés par les supermarchés, organisation de lotos avec des bons d’achat à la clé et même retour au troc par le biais d’événements : les initiatives se multiplient partout dans l’Hexagone pour aider les consommateurs à faire face à l’augmentation des prix. Car si des mesures ont été lancées par l'État, le pouvoir d’achat des Français devrait, selon toute vraisemblance, chuter cette année d’après une étude publiée par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). En cause ? Une inflation persistante, sur laquelle les salaires ne sont pas indexés, et qui tend à faire baisser la rémunération réelle des particuliers. Conséquence ? Leur porte-monnaie pourrait être délesté de 130 à 364 euros par unité de consommation en 2023, selon Les Échos.
Comment ces changements économiques initiés en 2022 sont-ils vécus par les Français ? Comment agissent-ils sur leurs habitudes d’achat ? Doivent-ils inciter les entreprises à optimiser leurs prix ou à proposer d’autres stratégies ? Quelles craintes suscitent-ils à long terme ? Des questions auxquelles répond le deuxième volet de notre enquête menée auprès de 1 011 consommateurs. Une méthodologie complète est disponible à la fin de cet article.
82 % des consommateurs interrogés ont modifié leurs habitudes d’achat en raison de la situation économique actuelle
Alors qu’elle était de +1,6 % en 2021, l’inflation annuelle s’est élevée à +5,2 % en France en 2022 selon un rapport de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) en raison, principalement, d’une accélération des prix de l’énergie (passant de +10,5 % en 2021 à +23,1 % en 2022) et de l’alimentation (de +0,6 % à +6,8 %). Une situation économique difficile qui a influé directement sur les comportements des consommateurs.
Ainsi, 82 % de ceux sollicités pour notre enquête déclarent avoir changé leurs habitudes de consommation depuis lors. Parmi ces bouleversements figure nettement une propension à moins acheter ou utiliser certaines catégories de produits et de services. Il s’agit majoritairement des catégories suivantes :
- vêtements (68 % des répondants ayant changé leurs habitudes de consommation déclarent en acheter moins qu’avant la situation économique actuelle),
- produits alimentaires (67 %),
- bars et restaurants (61 %),
- factures domestiques relatives notamment à l’électricité, au gaz et à l’eau (57 %),
- produits de beauté (56 %),
- divertissement et activités culturelles (56 %),
- matériel électronique (54 %),
- appareils ménagers (52 %),
- produits durables (50 %).
Si certains besoins que l’on peut juger secondaires sont, sans surprise, moins satisfaits par la consommation de biens et de prestations, il est à souligner que des produits et services répondant à des besoins primaires ont bel et bien vu leur budget diminuer en raison de l’accélération des prix des matières premières. Ce qui en dit long sur les conséquences de l’inflation sur le quotidien des ménages.
Par ailleurs, une autre partie, un peu plus marginale, de notre panel a pris des décisions plus radicales en décidant d’arrêter tout bonnement de consommer certains produits et services, principalement ceux satisfaisant des besoins non indispensables. Ainsi, 18 % disent cesser d’acquérir des appareils ménagers, 17 % n’investissent plus dans l’électronique, 13 % ne fréquentent plus les bars et les restaurants et 13 % ne pratiquent plus d’activité physique payante.
En plus de consommer moins, voire plus du tout, certaines catégories de biens et de prestations, quels sont les autres comportements qu’adoptent les particuliers depuis l’accélération de l’inflation ?
Une majorité de particuliers se sont lancés dans une chasse aux bonnes affaires
Au-delà d’acheter moins ou plus du tout certains produits et services, les consommateurs ayant changé leurs habitudes d’achat privilégient certaines méthodes pour profiter de meilleures offres dans ce contexte d’augmentation des prix. Comme on pouvait s’y attendre, la plus plébiscitée est celle de rechercher davantage de réductions (63 %). Parmi les autres pratiques sollicitées, citons :
- l’utilisation accrue de bons de réductions (50 %),
- des recherches et comparaisons plus poussées sur les prix et produits avant de faire un achat (47 %),
- l’achat de plus de produits d’occasion (30 %),
- des inscriptions plus fréquentes à des programmes de fidélité (26 %).
Dans un contexte où le prix s’impose comme un critère de choix pour les consommateurs, il peut être recommandé aux marques de prendre des initiatives afin de rassurer leurs clients et garantir leur rétention. Aussi peuvent-elles aussi bien :
- penser à optimiser leurs tarifs en fonction des conditions du marché,
- miser sur des campagnes marketing mettant en avant leurs produits les plus abordables,
- proposer des alternatives de produits/services à prix réduits ou des outlets,
- mettre en place des programmes de fidélisation garantissant des promotions.
Ces pratiques peuvent être les bienvenues, d’autant plus que les particuliers ne cessent d’avoir à cœur de faire des économies et de changer leurs comportements en ce sens. Pour ce faire, si 68 % des personnes sondées ayant modifié leurs habitudes de consommation disent acheter des produits moins chers et 39 % achètent plus souvent des produits de marques génériques (souvent jugés plus abordables), beaucoup font des concessions. De ce fait :
- 51 % ont repoussé voire abandonné des achats importants,
- 20 % utilisent plus souvent les transports en commun,
- 16 % achètent moins de produits durables ou issus du commerce équitable,
- 15 % ont réduit leurs contributions à des œuvres caritatives.
Par ailleurs, certains misent sur le partage accru de comptes d’abonnement à des services de streaming (16 %) et d’autres épargnent davantage (15 %).
Aussi est-il important pour les entreprises de revoir leurs stratégies de vente et de communication afin non seulement de soulager le portefeuille des Français mais aussi de susciter leur confiance et les encourager à consommer leurs produits ou leurs services.
Outre des changements dans leur manière de rechercher, choisir et consommer certains produits et services, les particuliers que nous avons interrogés ont-ils modifié d’autres paramètres liés à leurs habitudes d’achat ?
52 % des consommateurs sondés ont changé leurs méthodes de paiement
Les bouleversements dans les habitudes des consommateurs peuvent également se refléter par le choix de méthodes de paiement différentes. Ainsi, si 48 % de l’ensemble de notre échantillon de consommateurs n’ont pas modifié leurs pratiques, 52 % ont été amenés à les changer avec la situation économique actuelle. Parmi eux :
- 20 % payent plus souvent qu’avant avec des cartes de crédit,
- 15 % en espèces,
- 14 % avec des cartes de débit,
- 3 % avec des portefeuilles numériques.
L’utilisation accrue de cartes de crédit ou de débit de la part de certains consommateurs de notre panel peut étonner tant les espèces ne cesseraient d’être plébiscitées en cette période d’inflation afin de mieux gérer son budget. Ainsi, les consommateurs interrogés ont-ils tendance à suivre leurs dépenses et leurs économies ? La réponse est “oui” pour 81 %. Parmi ces derniers, 40 % les notent (dans un carnet ou des feuilles de calcul), 25 % utilisent différents comptes bancaires (par exemple, un pour les économies et un autre pour les dépenses quotidiennes) et 16 % ont recours à une application de suivi et partage de budget.
À noter que 32 % des personnes sondées n'opèrent pas de suivi de leurs dépenses et économies : 10 % d’entre elles sont toutefois intéressées à l’idée de le faire quand 22 % estiment que ce n’est pas nécessaire.
S’ils semblent s’être adaptés au contexte économique actuel en optant pour d’autres manières de consommer ou de gérer leur budget, les particuliers de notre échantillon se sentent-ils pour autant optimistes ? Quelle serait leur perception si la situation venait à perdurer ?
90 % des sondés expriment une inquiétude face à une éventuelle récession économique
Malgré des efforts et des initiatives qui leur permettent de s’adapter à la configuration économique actuelle, une grande majorité des personnes interrogées (92 %) se disent “assez” voire “très” inquiètes face à la hausse des prix et des coûts.
Des craintes sont également exprimées si la situation venait à empirer : 90 % des particuliers sondés déclarent être “assez” voire “très” inquiets face à une éventuelle récession économique.
Aussi la hausse des prix et ses possibles conséquences sur le long terme affectent-elles le moral des consommateurs et pourraient avoir un impact sur leur confiance en l’avenir, en raison notamment de possibles difficultés à se projeter ou d'éventuelles interrogations sur leur capacité à joindre les deux bouts. D’autant plus que la plupart des particuliers sondés craignent, en raison de l’inflation persistante, de ne plus pouvoir s’offrir certaines catégories de produits et services de première nécessité comme celles relatives aux factures domestiques (79 %), aux produits alimentaires (73 %), à la santé (63 %) et aux médicaments (59 %).
Et si les prix de ces produits ou services de première nécessité continuaient d’augmenter, comme ils l’ont fait au cours des 12 derniers mois, de nombreuses personnes interrogées restreindraient de plus en plus leur budget. Ainsi, si les produits/services suivants devaient dans un futur proche accuser une augmentation de 15 % :
- 57 % veilleraient à réduire leurs dépenses pour les produits alimentaires,
- 55 % adopteraient ce comportement pour les factures domestiques,
- 40 % pour la santé,
- 39 % pour les médicaments.
En ce qui concerne les biens et prestations qui répondent à des besoins non indispensables, certains sondés consommeraient moins de vêtements (60 %), de produits de beauté (57 %), de sorties au restaurant ou bar (54 %), de matériel électronique (53 %), d’activités récréatives et culturelles (52 %), d’appareils ménagers (51 %), de services de réparation et d’entretien (50 %), de voyages (50 %), de produits durables (48 %), d’activités sportives (42 %) et d’activités éducatives (39 %) si leurs tarifs subissaient une augmentation de 15 %.
Par ailleurs, certaines catégories de produits et de services satisfaisant des besoins secondaires ne seraient plus du tout consommés par une partie des particuliers sollicités pour notre enquête dans cette configuration, principalement celles relatives au divertissement et à la culture (23 %), au fitness (23 %), aux produits durables (22 %), aux bars et restaurants (22 %), à l’éducation (21 %) et à l'électronique (20 %).
Conséquences de l’inflation : que retirer des changements des habitudes d’achat des consommateurs ?
Les habitudes d’achat des particuliers français sondés ont bien été bouleversées depuis l'accélération de l’inflation en 2022, la plupart d’entre eux ayant décidé de réduire leur budget dédié à certaines catégories de produits et services, même ceux de première nécessité comme l’alimentation ou l’énergie. Ce qui met en évidence l’impact significatif et durable que la situation économique actuelle a sur le pouvoir d’achat.
Par ailleurs, il n’est pas étonnant de constater que le prix est devenu maître dans les critères de choix des consommateurs. Ainsi, le présent contexte a accentué leur adoption de comportements comme la recherche active de bonnes affaires, une prise d’information poussée sur les promotions ou produits/services à bas prix proposés par les entreprises ou encore un suivi plus accru des dépenses. Des renseignements et procédures qui peuvent être rendus plus accessibles par le recours à des applications. La technologie pourrait-elle faciliter les démarches des consommateurs, et donc les aider à faire face à l’inflation ? Tel sera le sujet du troisième et dernier volet de notre étude.
Méthodologie
Pour collecter les données de ce rapport, nous avons mené une enquête en ligne en avril 2023 regroupant la participation de 1 011 répondants. Les critères de sélection des participants étaient les suivants :
- Réside en France
- Âgé(e) entre 18 et 65 ans
- Responsable, seul(e) ou non, du paiement des dépenses et des biens de son foyer