Alors que l’intelligence artificielle générative (GenAI) est de plus en plus utilisée dans les stratégies de contenu sur les réseaux sociaux, comment les entreprises peuvent-elles s'adapter aux nouvelles réglementations mises en place par Meta ?
Dans cet article
L'utilisation transparente et éthique de l'IA passe de plus en plus par le respect de règles et de lignes directrices établies plutôt que par le simple maintien de la qualité. Les récentes initiatives de l’entreprise Meta, maison-mère de Facebook et Instagram, visent à étiqueter chaque publication ou élément de contenu produit par des algorithmes de la mention "généré par IA".
Cette décision aidera, en théorie, non seulement les utilisateurs à avoir un certain recul vis-à-vis du contenu qu'ils consultent, mais crée également un précédent à suivre pour d’autres entreprises.Comment les nouvelles initiatives d'étiquetage de contenu changent-elles l'écosystème de l'IA générative ?
Des sujets sur lesquels GetApp apporte un éclairage, accompagné de l'œil expert de Julien Pibourret [1], spécialiste en social selling, auteur et formateur en médias sociaux et web marketing que nous avons eu le plaisir d’interviewer.
- 47 % des entreprises se disent informées de l'initiative de Meta visant à étiqueter les images et les contenus générés par l'IA. La majorité d'entre elles s'attendent à ce que cette initiative ait un impact positif.
- 27 % des entreprises indiquent “toujours” que leur contenu a été créé par ou à l'aide de l'IA. 44 % l'indiquent “parfois” et 27 % ne le mentionnent “jamais”. Ces résultats reflètent la nécessité de lignes directrices plus claires et de pratiques de transparence plus cohérentes pour divulguer l’implication de l’IA dans la création de contenu.
- Plus d'un tiers des personnes interrogées déclarent qu'entre 10 % et 25 % du contenu des médias sociaux qu'elles produisent est actuellement généré à l'aide d'outils de GenAI.
- 66 % des répondants estiment que toutes les tâches de marketing numérique seront assistées par des outils de GenAI dans les cinq prochaines années.
L'engagement et les impressions sur les réseaux sociaux favorisés par la GenAI
Le contenu généré par l'IA, bien qu'efficace, peut parfois manquer de la compréhension nuancée et de la créativité que les humains apportent, conduisant potentiellement à des résultats génériques ou de mauvaise qualité. Bien qu' il existe des risques associés à l'utilisation de la GenAI, 61 % signalent une augmentation (“significative” pour 14 % des répondants et “légère” pour 47 %) de l'engagement et des impressions sur leurs réseaux sociaux. En outre, lorsqu'on a demandé aux personnes interrogées dans quelle mesure les contenus assistés par GenAI étaient plus performants sur les médias sociaux que les contenus générés uniquement par des humains, 45 % d'entre elles ont répondu que l'IA était plus performante.
Comme le souligne Julien Pibourret, “Grâce à l’automatisation, les entreprises pourront générer du contenu plus rapidement et à grande échelle, tout en adaptant ce contenu aux préférences spécifiques de chaque utilisateur à l’aide des techniques avancées de personnalisation. L’optimisation du contenu sera également facilitée par l’IA qui analysera les performances en temps réel pour ajuster et améliorer les stratégies de création de contenu.”
Politiques internes et externes : réglementations et intégrité
Plus d'un tiers des personnes interrogées déclarent qu'entre 10 % et 25 % du contenu des réseaux sociaux qu'elles produisent est actuellement produit à l'aide des outils de GenAI. La tendance est à la hausse : une personne interrogée sur trois pense que l’IA sera présente dans un quart ou la moitié du contenu des réseaux sociaux qu’elle produira au cours des 18 prochains mois.
Cela s’illustre encore par le fait que 66 % des personnes interrogées sont d'accord (22 % sont “tout à fait d'accord” et 44 % “plutôt d'accord”) avec le fait qu'au cours des cinq prochaines années, toutes les tâches de marketing numérique seront assistées par les outils d’intelligence artificielle générative.
Cette augmentation de la production nécessite donc des politiques plus rigoureuses pour garantir la qualité, l’authenticité et l’intégrité de ce contenu, comme nous l’explique Julien Pibourret : “À terme, on ne pourra pas faire la différence entre un contenu généré par un humain et un contenu généré par une IA. Améliorer la transparence du contenu pour les consommateurs est très important, surtout aujourd'hui lorsqu'on fait face à des problématiques juridiques, mais aussi d'authenticité.”
En effet, des lignes directrices claires et des pratiques de surveillance efficaces deviennent essentielles pour maintenir la confiance des consommateurs, notamment celle de groupes spécifiques. Julien Pibourret renchérit sur ce point : “Je pense aussi que les différentes générations ont des attentes et des sensibilités variées vis-à-vis des contenus qu’elles consomment en ligne. Ignorer ces différences générationnelles dans les attentes en matière de transparence peut non seulement affaiblir l’engagement, mais aussi créer un fossé de confiance entre la marque et ses différentes audiences.”
Selon lui encore, “Pour maintenir l'intégralité d’un contenu généré par une IA, il est possible d’utiliser en local une intelligence artificielle, sans aller sur internet pour éviter le fuitage de données. Il faut également informer régulièrement les équipes sur les meilleures pratiques et les nouvelles technologies pour rester au fait des évolutions de l'IA. Enfin, au niveau de l'entreprise et de la gouvernance, il faut développer un esprit critique face à l'intégration d’un outil d’IA.”
Dans cette étude GetApp, 40 % des personnes interrogées déclarent utiliser une politique formelle et documentée concernant l’utilisation de l’IA générative. Selon Julien Pibourret, “Les entreprises peuvent mettre en place une politique formelle documentée ou bien se référer à l’IA ACT qui est une loi concernant l’utilisation de la GenAI qui entrera en vigueur d’ici août 2024. Pour l'instant, en France, je dirais qu’on est plus dans une logique d'opportunité que de réglementation, et je trouve que certains pays comme l’Inde, par exemple, sont beaucoup plus en avance sur la France quant à l'utilisation et la réglementation de la GenAI.”
Les entreprises doivent s’enquérir des implications juridiques potentielles du contenu généré par l’IA, comme les violations du droit d'auteur ou le plagiat, comme mentionné sur le site Internet du Parlement Européen. [2] Ces préoccupations doivent pousser les entreprises à établir des normes de qualité strictes, à mettre en œuvre des audits réguliers et à utiliser des outils de détection avancés pour évaluer du contenu généré par l’IA.
Bien que les entreprises emploient diverses stratégies pour garantir l’intégrité du contenu, de nouvelles initiatives continuent d’émerger pour améliorer encore la transparence et la confiance auprès des consommateurs et des internautes. L’une de ces initiatives, récemment lancée par Meta, consiste à étiqueter le contenu généré par l’IA sur ses plateformes (Instagram, Facebook, Threads).
L'initiative de Meta : étiqueter le contenu généré par la GenAI
47 % des entreprises ont déclaré avoir été “modérément informées” et 31 % "très informées" de l'initiative de Meta visant à étiqueter le contenu généré par l'IA. Actuellement, lors de la publication de contenu généré par l'IA, seulement 27 % des entreprises indiquent “toujours” que le contenu a été créé par ou avec l'aide de l'IA, ce qui signifie que la majorité des entreprises ne font donc pas toujours preuve de transparence quant à son utilisation dans leurs stratégie de création de contenu.
“Ne pas mentionner que le contenu est généré par l’IA peut compromettre la réputation d’une entreprise, peut même affaiblir l'engagement de sa communauté et entraîner des conséquences légales” explique Julien Pibourret.
L'initiative de Meta d’indiquer le contenu généré par l'IA sur ses plateformes vise à accroître la transparence et à aider les utilisateurs à identifier facilement un tel contenu. "En communiquant de manière proactive sur l'utilisation de l'IA, les entreprises peuvent montrer leur engagement envers la transparence et l'éthique de leur stratégie de contenu online” ajoute Julien Pibourret.
Si les plateformes de médias sociaux venaient à exiger l’étiquetage de tout le contenu généré par l’IA, il semblerait que l’impact sur les campagnes sur les réseaux sociaux serait variable ; selon les données de l'enquête, 16 % des spécialistes du marketing pensent que cela aurait un impact “très positif”, améliorant très probablement la transparence et la confiance avec leur public. S’ajoutent les 42 % qui s'attendent à un impact “plutôt positif”, améliorant potentiellement l'authenticité et l'engagement du contenu.
Toutefois, 27 % d'entre eux ne prévoient aucun impact, ce qui suggère que l'étiquetage ne modifiera pas de manière significative les résultats de leurs campagnes. D’un autre côté, 11 % prévoient un impact “plutôt négatif”, probablement en raison des inquiétudes concernant la perception du public et à la méfiance associée au contenu généré par l’IA.
Naviguer à travers les algorithmes avec la GenAI
Le contenu piloté par l’IA générative n’est pas nécessairement puni par les algorithmes des réseaux sociaux, mais la réception et le traitement de ce contenu dépendent de plusieurs facteurs.
1. La qualité et la pertinence
Un contenu de haute qualité, engageant et bien ciblé est susceptible de capter l'attention du public et de stimuler l'interaction. Les algorithmes des réseaux sociaux donnent la priorité au contenu qui trouve un écho auprès des utilisateurs, générant des likes, des partages et des commentaires. En revanche, si le contenu généré par l’IA est perçu comme du spam, non pertinent ou manquant de substance, sa visibilité sera probablement réduite. S'assurer que le contenu GenAI répond à des normes de qualité élevées et s'aligne étroitement sur les intérêts du public est crucial pour obtenir un traitement algorithmique favorable.
2. La transparence et l’étiquetage
L'étiquetage mis en évidence peut réellement profiter aux entreprises en alignant leurs pratiques sur les normes en évolution des plateformes. Les algorithmes peuvent s’adapter pour donner la priorité au contenu clairement étiqueté, récompensant ainsi l’honnêteté plutôt que de punir l’utilisation de l’IA. En étant franches sur le rôle de l’IA dans la création de contenu, les entreprises peuvent renforcer leur crédibilité et favoriser une relation plus digne de confiance avec leur public.
3. L’engagement des utilisateurs
L’engagement des utilisateurs reste un facteur essentiel dans la façon dont les algorithmes des médias sociaux classent le contenu. Les publications qui recueillent des likes, des partages, des commentaires et des durées de visionnage prolongées sont généralement promues par des algorithmes. L'authenticité joue ici un rôle clé ; les utilisateurs sont plus susceptibles d’interagir avec un contenu qui semble authentique et interactif. Par conséquent, les entreprises devraient se concentrer sur la création de contenu généré par l’IA qui encourage des interactions significatives, favorisant un sentiment de communauté et de connexion avec leur public.
4. Les considérations éthiques
Les plateformes de médias sociaux tiennent à promouvoir un contenu qui respecte les directives de la communauté et les normes éthiques. Le contenu d’IA produit de manière éthique, étiqueté de manière transparente et respectant les attentes des utilisateurs est moins susceptible d’être pénalisé. À l’inverse, les pratiques trompeuses ou l’utilisation abusive de l’IA pour générer du contenu trompeur peuvent entraîner une diminution de la confiance et d’éventuelles sanctions algorithmiques. Le maintien de normes éthiques protège non seulement la réputation d'une marque, mais garantit également le respect des politiques de la plateforme, favorisant ainsi un environnement numérique plus sûr et plus fiable.
5. Les changements d'algorithme
Les plateformes de médias sociaux mettent fréquemment à jour leurs algorithmes pour améliorer l’expérience utilisateur et s’adapter aux nouvelles tendances. Les entreprises doivent rester informées de ces changements pour optimiser leur stratégie de contenu par GenAI. S'adapter aux mises à jour des algorithmes implique de surveiller en permanence les mesures de performances et d'ajuster le contenu en conséquence. Comprendre et anticiper les tendances algorithmiques permet aux entreprises d'affiner leurs stratégies, garantissant ainsi un engagement durable et le respect des exigences de la plateforme.
Enfin, pour garder le contrôle et garantir l’intégrité des contenus produits, les entreprises peuvent :
- utiliser des outils de détection de plagiat aidant à garantir que le contenu est soigneusement vérifié et examiné avant d’être publié ;
- tirer parti d’outils de détection de contenu IA pour évaluer la qualité du contenu.
Méthodologie de l'enquête
*L'étude GenAI for Social Content Survey de GetApp a été menée en mai 2024 auprès de 1 680 répondants aux États-Unis (n=190), au Canada (n=108), au Brésil (n=179), au Mexique (n=199), au Royaume-Uni (n=197), en France (n=135), en Italie (n=102), en Allemagne (n=90), en Espagne (n=123), en Australie (n=200) et au Japon (n=157). L'objectif de l'étude était d'en savoir plus sur l'impact de l'IA générative sur les stratégies de marketing des médias sociaux. Les personnes interrogées ont été sélectionnées pour leur rôle dans le marketing, les relations publiques, les ventes ou le service à la clientèle au sein d'entreprises de toutes tailles. Chaque personne interrogée a indiqué qu'elle utilisait l'IA générative pour contribuer au marketing des médias sociaux de son entreprise au moins une fois par mois.
Sources
- Julien Pibourret, LinkedIn
- Loi sur l’IA de l’UE : première réglementation de l’intelligence artificielle, Parlement européen