Au cœur de l’actualité depuis plusieurs mois, l’intelligence artificielle générative ne cesse d’être adoptée par les particuliers qui l’utilisent aussi bien dans un cadre personnel que professionnel. Qu’implique son utilisation grandissante en entreprise ? Telle est l’une des questions auxquelles répond l’étude GetApp menée auprès d’employés français.

Dans cet article
Comme beaucoup de monde, vous avez fait sa connaissance en fin d’année dernière. Vos interactions ont commencé par de banales demandes qu’il accomplissait avec justesse avant qu’il ne soit en mesure de répondre à vos questions les plus existentielles. S’ensuivirent des idées éclairées pour vous aider à élaborer un rapport à rendre dans les plus brefs délais, des poèmes en alexandrin rédigés spécialement pour vous et même quelques tentatives de prédictions de l’avenir. Depuis lors, il n’a cessé de croiser le chemin d’individus, répartis dans les quatre coins du globe, toujours plus intrigués à l’idée d’échanger avec cet être si spécial. Son nom ? ChatGPT. Sept lettres qui alimentent quotidiennement les grands titres des médias et dont la popularité a relancé de plus belle les éternels débats sur l’intelligence artificielle, et notamment son impact sur le monde du travail. D’autant plus que la famille des intelligences artificielles génératives, dont ChatGPT est la figure de proue, ne cesse de s’agrandir et compte parmi ses membres, entre autres, Bard, développé par Google et spécialisé lui aussi dans la création de textes, ou encore les générateurs d’images Midjourney et Dall.E 2.
Ainsi, comment l’intelligence artificielle générative est-elle jusqu’ici utilisée en entreprise? Dans quels domaines est-elle spécialement sollicitée ? Quels impacts a-t-elle sur l’activité des employés ? Comment les organisations, devraient-elles aborder cette révolution ? Des sujets que traite, non pas ChatGPT, mais bel et bien GetApp à travers une enquête menée auprès 536 employés français d’entreprises de toutes tailles ayant régulièrement recours à l’IA générative dans le cadre de leur travail. La même étude a été menée auprès de panels de différents pays dont certains résultats sont présentés à titre de comparaison. Une méthodologie complète est disponible à la fin de cet article.
Intelligence artificielle en entreprise : comment l’IA générative est-elle utilisée ?
Qu’est-ce que l’intelligence artificielle générative ?
Afin de rentrer dans le vif du sujet, une définition de l’intelligence artificielle générative s’impose. Également appelée “IA générative”, cette technologie désigne un type d'intelligence artificielle capable de produire du contenu nouveau et original tel que des images, des vidéos, de la musique, du code ou du texte. Elle emploie généralement des techniques d'apprentissage profond (deep learning) et des réseaux neuronaux pour réaliser des analyses en se fondant sur de larges ensembles de données, notamment celles disponibles publiquement sur Internet. À noter, que la version gratuite de ChatGPT n’a pas accès à Internet en temps réel et son historique s’arrête, à l’heure actuelle, à septembre 2021.
IA générative : un sujet étudié par les entreprises françaises ?
L’engouement que suscite l’intelligence artificielle dans la société, et notamment dans le monde du travail, a-t-il poussé les entreprises qui emploient les personnes sondées à l’explorer ?
Pour 29 % de notre échantillon, une importance élevée est accordée à cette technologie par leur organisation qui l’aurait déjà analysée en profondeur. Une proportion non négligeable mais inférieure à celles obtenues dans les autres pays de l’Union européenne où l’enquête a été menée. Ainsi, ce résultat est de 34 % et 36 % quand on interroge respectivement des employés italiens et des employés espagnols, et atteint même les 51 % quand on sonde des salariés allemands. Aussi ces données comparatives pourraient-elles mettre en lumière le retard réputé des entreprises hexagonales sur l’adoption de technologies avancées par rapport à leurs voisines européennes, et leurs inquiétudes à l’égard de l’intelligence artificielle.

Toutefois, il est à souligner qu’un désintérêt total n’est pas non plus palpable : 63 % des employés interrogés affirment qu’une importance relative est accordée à ce sujet par leur organisation et qu’elle commence à l’étudier.
IA générative au travail : une pratique à l’initiative des employés
31 % des employés utilisant l'IA générative affirment qu'à l'échelle de leur entreprise un nombre considérable de collaborateurs utilisent activement ce genre d’outils. Son usage ne semble pour autant pas généralisé si l'on tient compte des 61 % affirmant que seule une proportion marginale de l’effectif de leur organisation y a recours.
Une pratique qui ne serait pas toujours admise par les employés auprès de leur hiérarchie d’après une étude de FranceInfo. Ceci probablement par peur que l’on émette des doutes sur la qualité de leur travail et leur degré d’engagement ou que l’on considère que leur emploi peut être remplacé par une machine. De plus, ce procédé pourrait être interdit au sein de leur organisation. Ce penchant pour le secret se reflète-t-il dans les résultats de notre enquête ? Pas tout à fait : si celui-ci concerne 15 % de notre échantillon, 85 % affirment que leur entreprise est au courant qu’ils utilisent l’IA générative. Selon 30 % des salariés de ce groupe de répondants, c’est même l’équipe dirigeante qui a décidé de son introduction. Toutefois, une grande partie de ce même groupe (62 %) déclarent que l’idée venait soit d’eux-mêmes soit de certains collaborateurs.
Plus d’un employé sondé sur quatre fait usage de l’IA générative pour la rédaction de textes
Articles, vidéos, visuels… Les possibilités de création de l’IA générative sont multiples et peuvent tout à fait se prêter au monde de l’entreprise en aidant les employés à produire une variété de contenus essentiels à l’avancée de leur travail. S’il existe bien un domaine dans lequel cette technologie est particulièrement utilisée, c’est la rédaction de texte. En effet, la popularité de ChatGPT depuis son lancement en fin d’année 2022 a mis en évidence le recours qu’ont les internautes à ce genre d’outil pour générer des écrits structurés rapidement. Cette tendance se retrouve dans notre enquête : 43 % des employés sondés affirment faire usage de l’IA générative dans ce but précis.

D’autres fins motivent les salariés à passer par cette technologie, particulièrement :
- l’édition ou la correction de textes (sollicitée par 37 % des personnes interrogées),
- la traduction (36 %),
- la création d’images (35 %),
- l’analyse de données et le reporting (28 %),
- la création de présentations (26 %).
Outre ceux d’IA générative pure, des outils peuvent aider les professionnels à réaliser rapidement certaines des tâches susmentionnées :
- les logiciels de traduction : pour traduire avec justesse une variété de contenus, notamment ceux qui doivent régulièrement être mis à jour en plusieurs langues, et aider les traducteurs professionnels à optimiser leur production et leur temps,
- les logiciels de graphisme : pour concevoir tous types de visuels ou de maquettes grâce notamment à des modèles personnalisables ou des fonctionnalités plus complexes destinées aux créatifs,
- les logiciels d’analyse de données: pour étudier les données existantes et évaluer les performances,
- les logiciels de reporting : pour avoir accès en temps réel aux données importantes de l’activité et générer des rapports depuis différentes sources,
- les logiciels de présentation : pour créer des présentations selon les formats adaptés.
Face au recours accru à l’IA générative au travail pour générer divers types de contenus consolidant l’activité et la stratégie d’une entreprise, il s’avère important pour les organisations, de prendre à bras le corps ce sujet afin de connaître ses tenants et aboutissants, et de veiller à ce que les résultats produits et utilisés n’entachent leur image ni ne ralentissent leur croissance.
Des contenus générés généralement surveillés
Selon la plupart des employés ayant informé leur employeur qu’ils utilisaient des outils d’IA générative, leur entreprise aurait tendance à s’assurer de la qualité des contenus générés, ceci notamment :
- en collectant les commentaires des employés par le biais d’enquête (34 %),
- en formant une équipe dédiée (31 %),
- en comparant les contenus produits par les humains avec ceux de l’IA générative (29 %),
- en mettant en place des indicateurs clés de performance (26 %).
Différents outils peuvent aider les entreprises à mettre en place et fluidifier les procédés cités ci-dessus comme :
- les logiciels de sondage : pour rassembler les avis des employés au sujet du contenu généré par l’intelligence artificielle,
- les logiciels collaboratifs : pour faciliter la communication entre les membres de l’équipe dédiée à la surveillance des contenus produits par l’IA générative,
- les logiciels de collaboration de contenu : pour partager, synchroniser et gérer les contenus générés par l’IA générative et les comparer avec ceux produits par des humains,
- les logiciels KPI : pour suivre les indicateurs de performance mis en place pour surveiller la qualité des contenus générés par l’IA générative.
À noter que 14 % des employés sondés, dont les employeurs sont au courant de leur utilisation de l’IA, affirment que l’entreprise ne surveille pas la qualité des contenus générés. Dans ce cas de figure, le risque est alors d’utiliser des données erronées qui pourraient faire prendre aux organisations de mauvaises décisions stratégiques et nuire, à terme, à leur crédibilité.
3 idées reçues à déconstruire quand on utilise l’IA générative en entreprise
- Idée reçue 1 - Les contenus générés sont systématiquement corrects : il arrive plus souvent qu’on ne le croit que les outils d'IA générative apportent des réponses inexactes. L’essentiel est alors de penser à évaluer l'exactitude et la pertinence des résultats obtenus avant d’utiliser ces informations comme références et de les partager en interne ou en externe.
- Idée reçue 2 - Les contenus générés font toujours preuve de logique : la génération de contenu par l’IA peut parfois se révéler imprévisible, et sa prise de décision ou sa logique ne sont pas toujours intelligibles. Il faut donc veiller à comprendre le raisonnement du résultat obtenu et apporter les modifications nécessaires.
- Idée reçue 3 - Les contenus générés ne comportent aucun biais : les outils d’IA générative ingèrent parfois des données subjectives qui peuvent fausser les résultats obtenus. Il est alors primordial de mettre en place des réglementations ou des directives pour détecter tous résultats biaisés et les rendre conformes à la loi et aux politiques de l’entreprise. Des logiciels de gestion des règlements peuvent aider les organisations à mettre à jour ces directives.
La mise en place de réglementations claires et de formations s’avère utile pour éviter toute mauvaise interprétation des résultats produits par les outils de l’IA générative. Des précautions qui ne sont pas toujours prises par les employeurs des personnes que nous avons interrogées. En effet, selon 45 % des employés ayant informé leur entreprise de leur usage de l’intelligence artificielle au travail, aucune directive n’a été élaborée par la direction.

Par ailleurs, 20 % déclarent ne pas avoir été formés. Et parmi les 80 % qui ont reçu une formation, 44 % estiment qu’elle n’était pas suffisante. Or, ces mesures pourraient aider les collaborateurs à optimiser les effets bénéfiques constatés de l’usage de l’IA générative et à contourner certains de ses inconvénients.
Quelques actions à mettre en place pour bien communiquer en interne sur l’utilisation de l’IA générative
- élaborer des réglementations ou directives : pour définir les bonnes pratiques à suivre afin d’utiliser correctement les outils d’IA générative et de garantir le respect des lois en vigueur,
- partager une liste d’outils d’IA génératives approuvés par la direction : pour guider les employés dans leur démarche et veiller à ce qu’ils aient recours à des solutions compatibles avec les exigences de l'organisation,
- dispenser des formations aux équipes : pour que les employés maîtrisent l’usage de ces outils et en apprennent davantage sur la confidentialité des données et les questions éthiques liées à l’intelligence artificielle.
Utilisation de l’intelligence artificielle générative : avantages et inconvénients observés
Une productivité et une créativité accrues
Quand on interroge l’ensemble des employés de notre panel, la productivité est présentée comme l’un des principaux bénéfices liés à l’usage de l’IA générative au travail. En effet, 74 % sont “d’accord” ou “tout à fait d’accord” avec le fait que travailler avec des outils d’IA générative fait gagner du temps à leur entreprise, quand 71 % partagent l’idée que cette technologie améliore les performances de l'organisation.

Par ailleurs, 36 % des personnes de notre échantillon affirment sans équivoque que l’utilisation de l’intelligence artificielle générative se montre particulièrement efficace pour améliorer leur productivité. D’autres paramètres relatifs à l’efficacité et à un gain de temps ont également été mis en avant comme des optimisations de l’analyse et de la synthèse de données (29 %), de la réalisation de tâches répétitives (29 %), des données de recherche (28 %), de la résolution de problèmes (27 %) et de l’organisation de tâches (23 %).
Comment cela se ressent-il dans l'évolution du travail des salariés sondés ? 40 % disent que l’IA générative les aident à interpréter les données plus vite et plus efficacement quand 32 % estiment que cette technologie leur permet de bénéficier de plus de temps pour se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée et 17 % disent qu’ils peuvent dorénavant réaliser un plus large éventail de missions avec ces outils.
Quand on leur demande dans quelle mesure cette technologie a un impact sur leur productivité, 28 % considèrent que son usage améliore considérablement leur productivité quand 55 % jugent qu’elle l’améliore quelque peu. À noter qu’ils ne sont que 12 % à penser qu’elle n’a absolument aucun impact.
Un autre avantage communément cité concerne une meilleure inventivité. Ainsi, 74 % sont “d’accord” ou “tout à fait d’accord” avec le fait que travailler avec l’IA générative aide leur entreprise à faire preuve de plus d’innovation et de créativité. Par ailleurs, 32 % estiment qu’utiliser l’intelligence artificielle générative se montre particulièrement efficace pour améliorer leur propre créativité, 25 % pour stimuler leur sens de l’innovation et 21 % pour trouver l’inspiration dans le cadre de leur rôle.

Il est à souligner que les avis sont mitigés lorsqu’il s’agit de juger si le contenu généré par l’IA est plus qualitatif que celui produit par des humains : 50 % approuvent cette affirmation quand l’autre moitié du panel soit la réfute (17 %) soit n’a pas d’avis sur la question (33 %).
Un avantage compétitif pour les entreprises qui utilisent l’IA générative ?
Productivité, créativité, innovation… Tous ces paramètres peuvent avoir des conséquences directes sur la compétitivité et le chiffre d’affaires des entreprises. Des effets que peuvent particulièrement noter celles dont les employés ont recours à l’IA générative. En effet, 67 % sont “d’accord” ou “tout à fait d’accord” avec le fait que l’IA générative permet à leur entreprise de prendre de l’avance sur leurs concurrents. Par ailleurs, 65 % sont “d’accord” ou “tout à fait d’accord” avec le fait qu’elle permet à leur entreprise d’économiser de l’argent.

Cependant, même si ces avantages semblent convaincants, il est à prendre en compte que selon les employés de notre échantillon, l’utilisation de l’IA générative améliore difficilement certains aspects de leur travail. En effet, seuls 14 % et 15 % affirment que cette technologie se montre la plus efficace pour respectivement optimiser la compréhension de concepts et la prise de décision. Aussi peut-on considérer que le recours à l’intelligence artificielle en entreprise comporte des limites et qu’elle n’est pas en mesure de remplacer la réflexion humaine pour affiner une stratégie.
Les employés que nous avons interrogés sont-ils conscients des failles éventuelles de l’intelligence artificielle générative et des risques auxquels peuvent s’exposer les entreprises qui l’utilisent ?
Des risques liés à la protection des données et au manque de compréhension des résultats
Pour les employés interrogés, les trois dangers principaux auxquels s’exposent les entreprises qui utilisent l’IA générative sont :
- des risques liés à la cybersécurité (selon 40 % des personnes sondées),
- des risques liés à la protection de la vie privée (38 %),
- un manque d’explicabilité (36 %).

L’IA générative, une nouveauté que les entreprises doivent aborder avec précaution
Les résultats de notre enquête mettent en lumière que l’utilisation de l’IA générative tend à se normaliser en entreprise. Parce que cette technologie est considérée par les employés comme vectrice de productivité et d’inventivité, il peut être recommandé aux entreprises de commencer à l’introduire au sein de leur activité afin de bénéficier des avantages susmentionnés et de s’aligner éventuellement avec la concurrence voire se démarquer, ceci en veillant bien à :
- se renseigner sur l’avancée des réglementations à l’échelle nationale et européenne relatives à l’intelligence artificielle et se mettre constamment à jour,
- instituer dès le départ des règlements et des bonnes pratiques, à communiquer clairement en interne,
- former régulièrement ses équipes sur le fonctionnement des outils de l’intelligence artificielle et leurs défis,
- vérifier systématiquement les contenus générés par l’IA générative et s’assurer de leur véracité, leur logique, leur objectivité et leur conformité avec les lois en vigueur et les politiques de l'entreprise,
- éviter de partager des données confidentielles ou sensibles sur ce type d’outils.
Suivre ces conseils peut permettre aux entreprises de se protéger des risques évoqués plus haut. Nous les parcourrons plus en détail dans le second volet de notre enquête, qui abordera également l’utilisation spécifique de ChatGPT ainsi que les préoccupations éthiques que celui-ci et ses confrères suscitent chez les employés.
Méthodologie
Pour collecter les données de ce rapport, nous avons mené une enquête en ligne en juin 2023 regroupant la participation de 4 382 employés allemands, australiens, brésiliens, britannique, canadiens, espagnols, français et italiens. Le panel français, sur lequel s’est principalement concentré cet article, est composé de 536 professionnels et ceux-ci ont été sélectionnés selon les critères de sélection suivants :
- Réside en France
- Âgé(e) entre 18 et 65 ans
- Employé(e) à temps plein ou à temps partiel dans une entreprise de 1 à plus de 10 000 personnes
- Utilise systématiquement un ordinateur pour réaliser ses tâches
- A recours à l’intelligence artificielle générative au moins plusieurs fois par mois dans le cadre de son travail